Commercer en Chine : le fait de l’empereur
La Chine a réalisé cette route vers l’Ouest et elle veille à sa sûreté et à son entretien sur la partie chinoise, soit sur plus d’un tiers du trajet. Des tours de guet ont été édifiées, dès l’époque des Han(206 avant JC - 220 après JC) et tout le long du parcours, pour assurer cette sécurité.
Depuis Suchow, 9 étapes mènent à Kanchow. Un marchand venu d’Occident demeure à Kanchow, aux portes de la Chine, pendant un an ou deux, jusqu’au retour de l’ambassadeur dont il a été déclaré le domestique. L’ambassadeur, quant à lui, a le droit de se rendre à Pékin avec les principaux marchands de sa « compagnie ». Sur 100 « serviteurs » dont il dispose, seuls 10 sont autorisés à gagner Pékin à la suite de leur maître et je fais heureusement partie de ces 10 privilégiés, considérés comme « attachés d’ambassade ».
A Kanchow, les services chinois de transport se chargent de transmettre eux-mêmes au « Fils du Ciel » (l’empereur) les « offrandes » (les marchandises) de la caravane qui lui sont destinées et de transporter les ambassadeurs et les marchands privilégiés, serviteurs d’un certain rang, avec leurs « cadeaux » jusqu’à Pékin.
Cependant, nous, nous avons le privilège de conduire nous-mêmes nos « offrandes » à la Cour chinoise car nous convoyons 2 lions destinés à l’empereur.
Ceux qui restent à Kanchow feront du commerce. Ils sont les hôtes du gouvernement chinois qui les logera et les nourrira. Mais l’empereur ne les oubliera pas dans ses « largesses » car il prévoira la part de « ceux restés » à Kanchow.
J’apprécie les auberges postales que la Chine met à notre disposition, depuis notre entrée en Chine jusqu’à la capitale et dont le coût est pris en charge par l’Etat. Elles nous délivrent nourriture, fournitures et moyens de transport, nos montures ayant été confiées aux soins des officiers chinois de Kanchow.
Tout au long du trajet, à raison de 25 à 30 km par jour, nous avons reçu des provisions et, à chaque ville où nous passons, les autorités nous offrent un banquet. Plus nous approchons de Pékin, plus ces banquets sont brillants.
A Pékin, la Grande Auberge héberge toutes les ambassades. L’appartement de tout ambassadeur compte, en plus de son lit, 10 autres lits destinés à ses « attachés d’ambassade ». Nous sommes pris en charge, en matière de logement et de nourriture, par le « Fils du Ciel ».
L’empereur, lors de notre rencontre, prend place sur le siège d’or, son trône. On nous fait approcher à 15 coudées du trône (environ 6 m) ; l’officier dit que nous sommes porteurs des dons augustes de nos Maîtres destinés à sa Seigneurie et que nous venons battre le front devant le Trône de sa Majesté.
Des interprètes nous suggèrent alors d’incliner d’abord le buste puis de battre par 3 fois le sol du front, ce à quoi nous nous plions. Nous constatons cependant que des Musulmans ont pris soin de ne pas toucher le sol du front car ce geste est destiné à Allah seul.
Ils soulèvent ensuite des deux mains (jusqu’au-dessus de la tête) les missives apportées, enveloppées de satin jaune, ainsi que l’exige le protocole chinois.
L’empereur semble ravi des « offrandes » et, tout particulièrement, des lions. Les interprètes nous préviennent que demain l’empereur donnera un grand banquet en notre honneur.
Le lendemain, les personnes en charge des diplomates nous conduisent au pied du trône quand le jour se lève. Nous faisons mine de battre cinq fois le sol de notre front et, alors, l’empereur descend du trône.
Des interprètes nous disent de prendre nos précautions car il est interdit de sortir au cours du banquet.
Nos places ont été réservées à la gauche de l’empereur, du côté d’honneur contrairement aux usages occidentaux qui le placent à droite. Devant l’empereur sont placées plusieurs tables chargées de victuailles. Devant les ambassadeurs proprement dits, trois tables sont disposées et devant nous, deux seulement. Les simples officiers n’ont droit qu’à une seule table. Plus de mille tables sont donc installées ce jour-là.
Le Jour de l’An (suivant le calendrier chinois), l’empereur nous reçoit à nouveau mais le prince nous a recommandé de ne porter ce jour-là aucun habit ou soulier blanc, le blanc étant signe de deuil en Chine. L’empereur nous honore d’un nouveau banquet.
Après quelques semaines, les envoyés viennent nous chercher car l’empereur souhaite nous donnerdes gratifications : de la soie principalement. Avec ces gratifications, nous recevons l’autorisation de partir.
A partir de ce jour, nos frais de séjour ne seront plus pris en charge par le gouvernement chinois mais les Chinois continueront à nous fournir des chevaux et des voitures ainsi que de grandes réceptions dans les cités importantes que nous traverserons jusqu’à Kanchow. Là, les ambassadeurs récupèreront leurs « serviteurs » et tous leurs biens. Puis la route continuera jusqu’à Suchow où nous repasseronspar le Fort de la Porte de Jade. A nouveau, les fonctionnaires prendront note de nos noms et qualitésavant de nous laisser quitter le territoire chinois.
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